aux origines japonaises du mythe


Episode 4 : iode, plage, crustacés…et thyroïde ! ➽  lire le feuilleton estival depuis le début

Une erreur de calcul

Le mythe de la guérison à l’iode de la thyroïde a aussi une origine japonaise… tout comme la maladie de Hashimoto.

Ce n’est d’ailleurs pas tout à fait une coïncidence !

J’ai entendu ça et là sur Youtube l’argument selon lequel la population japonaise qui consomme beaucoup d’iode, en raison de son régime alimentaire riche en fruits de mer,  serait en meilleure santé que nous. Donc tout le monde devrait prendre de fortes doses d’iode. 

Après tout, certaines des sous-populations les plus saines au monde vivent effectivement au Japon et les Japonais sont globalement en meilleure santé que les Français [1].

Concernant les quantités d’iode consommées par les japonais, il y déjà une erreur de calcul toute bête dans une publication scientifique datant de 1967 qui continue de se propager.

En ayant remarqué que les japonais avaient moins certaines maladies que d’autres, en particulier des cancers du sein, des chercheurs dans les années 60 ont émis l’hypothèse que c’était lié à un surcroît de consommation d’iode de cette population friande d’algues. 

En fait, toute cette histoire de “régime à l’iode” vient d’un mauvais calcul de la quantité d’iode que mangent les japonais.

Donc le premier problème est l’idée fausse que l’on voit parfois traîner dans les livres sur Hashimoto et la thyroïde que les Japonais consommeraient 13,8 mg d’iode par jour dans leur alimentation. 🛒🛒🛒🛒 Il s’agit en fait d’une description erronée d’une seule étude du Pr. Nagataki qui date de 1967 [2]. Le papier en question a depuis été non seulement corrigé et bien d’autres données sont venues contribuer à rectifier cette fausse information.

Dans cette première étude de Nagataki, on trouve l’information suivante : « … le poids sec d’aliments tels que l’algue Laminaria) contient 0,3% d’iode… » « … la consommation quotidienne moyenne d’algues était de 4,6 g (poids humide). »

🔎 Cette affirmation de 13,8 mg vient d’une erreur mathématique 0,3 % de 4,6 g équivaut en fait à 13,8 mg, mais ils confondent poids sec et poids humide. Le problème est que le document fait référence au poids sec dans la citation ci-dessus, mais que la deuxième citation fait référence au poids humide.

Une erreur corrigée depuis longtemps

Cette histoire de consommation  d’iode par les japonais a fait tellement de vagues, qu’un tsunami de publications a déferlé sur d’autres contineunts à ce sujet. 

Dans une de ses études plus récente sur l’intérêt de l’iode pour la santé des glandes mammaires [4], Carmen Aceves évalue cette consommation en 2005 à 5280 µg/jour contre 166-209 µ/jour en Angleterre et aux USA”. 

Stephen Cann, toujours sur des recherches autour du cancer du sein [5] évalue la concentration urinaire moyenne des japonais à 3,400 μg/L (soit environ 5,280 μg/day) grâce à une étude portant sur 4138 personne à Sapporo au Japon.

D’autres études plus anciennes présentent aussi des évaluations de cette quantité :

En 1986 par exemples Junichi Tajiri parle de 1 à 5 mg/ jour [6]

Theodore Zava en 2011, l’évalue à 1,000-3,000 μg/day (1-3 mg/day) [7]

Alan Gaby, MD, a également repris ce sujet dans un éditorial de The Townsend Letter for Doctors and Patients intitulé « Iode : un peu gros à avaler » [8] : 

« L’idée que les Japonais consomment 13,8 mg d’iode par jour semble née d’une mauvaise interprétation d’un article de 1967. Dans cet article, la consommation moyenne d’algues au Japon était de 4,6 g (4 600 mg) par jour, et les algues contenaient 0,3 % d’iode. Le chiffre de 13,8 mg provient de la multiplication de 4 600 mg par 0,003. Cependant, les 4,6 g d’algues consommées par jour ont été exprimés en poids humide, tandis que le chiffre de 0,3% d’iode était basé sur le poids sec. Étant donné que de nombreux légumes contiennent au moins 90 % d’eau, 13,8 mg par jour est une surestimation significative de l’apport en iode.”

Cet article d’Alan Gaby explique d’ailleurs aussi en long en large et en travers les méfaits des “régimes à l’iode”…

Cette erreur a été corrigée par l’auteur lui-même dans un autre papier qu’il a publié plus récemment en 2008 [3]

« La moyenne de l’apport alimentaire en iode dû à l’ingestion d’algues est de 1,2 mg/jour au Japon. »

Une erreur qui n’a pas fini de faire des vagues…

Par ailleurs, la consommation d’iode des japonais, même une fois corrigée reste très élevée par rapport à d’autres pays du monde. Et c’est bien plus que la recommandation de 150µg par jour de l’OMS.

Mais si vous êtes une femme Hashimoto non enceinte, qui plus est assez jeune, visez 100 µg…je vous explique tout dans cette série d’articles…

et n’oubliez pas de télécharger le guide « Domptez Hashimoto » pour connaître les tests à faire et les autres minéraux que vous pourriez avoir intérêt à mieux équlibrer

Mais s’ils consomment beaucoup trop d’iode, pourquoi alors les japonais sont-ils considérés comme en meilleure santé ?

Cet argument ne tient pas compte de quelques facteurs différents. La première est que différentes ethnies peuvent avoir des prédispositions génétiques différentes pour développer Hashimoto. Nous ne pouvons pas regarder un groupe de personnes et faire une généralisation à toutes les ethnies. La génétique est un facteur clé qui influe sur le développement d’une maladie auto-immune. J’en ai parlé plus en détail dans mon article sur les méthodes populaires sur la toile pour “guérir hashimoto”.

Par exemple, une méta-analyse récente a révélé qu’une variation génétique particulière, le polymorphisme PTPN22 R620W, est associée à un risque élevé de maladie thyroïdienne auto-immune chez les Caucasiens, mais pas chez les Asiatiques [11].

De plus, les japonais sont en bonne santé en moyenne pour toutes les maladies, mais pas pour la thyroïde !

En effet, les Japonais ont les niveaux les plus élevés de Hashimoto au monde [9, 10]. Les japonais dans leur ensemble sont peu malades en général… mais les femmes y souffrent beaucoup plus de la thyroïdite de Hashimoto qu’ailleurs !

Après tout, le Dr Haraku Hashimoto, qui a donné son nom à la maladie (car il a été le premier à la découvrir), était un médecin japonais. 😉

J’y reviendrai en détail dans cette série d’article, mais il est déjà important de comprendre que si vous êtes une femme Hashimoto, vous n’avez pas nécessairement intérêt à ‘faire comme tout le monde” ni à suivre des recommandations qui rendent les autres en bonne santé, mais pas vous…

donc méfiance…

et pour continuer cette exploration, regardez aussi ma vidéo qui décortique les erreurs de lecture et contre sens fréquents que vous pouvez trouver sur le web à ce sujet.

Pour (re)lire les épisodes précédents :

Sources et références

[1] https://www.bloomberg.com/news/articles/2019-02-24/spain-tops-italy-as-world-s-healthiest-nation-while-u-s-slips

[2] Nagataki S, Shizume K, Nakao K. Thyroid function in chronic excess iodide ingestion: comparison of thyroidal absolute iodine uptake and degradation of thyroxine in euthyroid Japanese subjects. J Clin Endocrinol Metab. 1967 May;27(5):638-47. doi: 10.1210/jcem-27-5-638. PMID: 4164900.

[3] Nagataki S. The average of dietary iodine intake due to the ingestion of seaweeds is 1.2 mg/day in Japan. Thyroid. 2008 Jun;18(6):667-8. doi: 10.1089/thy.2007.0379. PMID: 18578621.

[4] Aceves, C., Anguiano, B. & Delgado, G. Is Iodine A Gatekeeper of the Integrity of the Mammary Gland?. J Mammary Gland Biol Neoplasia 10, 189–196 (2005). https://doi.org/10.1007/s10911-005-5401-5

[5] Cann, S.A., van Netten, J.P. & van Netten, C. Hypothesis: Iodine, selenium and the development of breast cancer. Cancer Causes Control 11, 121–127 (2000). https://doi.org/10.1023/A:1008925301459

[6] JUNICHI TAJIRI, KIICHIRO HIGASHI, MITSUO MORITA, TERUHISA UMEDA, TATSUO SATO, Studies of Hypothyroidism in Patients with High Iodine Intake, The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, Volume 63, Issue 2, 1 August 1986, Pages 412–417, https://doi.org/10.1210/jcem-63-2-412

[7] Zava TT, Zava DT. Assessment of Japanese iodine intake based on seaweed consumption in Japan: A literature-based analysis. Thyroid Res. 2011 Oct 5;4:14. doi: 10.1186/1756-6614-4-14. PMID: 21975053; PMCID: PMC3204293.

[8] From the Townsend Letter for Doctors & Patients – August/September 2005; https://www.townsendletter.com/AugSept2005/gabyiodine0805.htm

[9] Kasagi K, Takahashi N, Inoue G, Honda T, Kawachi Y, Izumi Y. Thyroid function in Japanese adults as assessed by a general health checkup system in relation with thyroid-related antibodies and other clinical parameters. Thyroid. 2009 Sep;19(9):937-44. doi: 10.1089/thy.2009.0205. PMID: 19678737.

[10] Zaletel K, Gaberšček S. Hashimoto’s Thyroiditis: From Genes to the Disease. Curr Genomics. 2011 Dec;12(8):576-88. doi: 10.2174/138920211798120763. PMID: 22654557; PMCID: PMC3271310.

[11] Cao Y, Liu K, Tian Z, Hogan SL, Yang J, Poulton CJ, Falk RJ, Li W. PTPN22 R620W polymorphism and ANCA disease risk in white populations: a metaanalysis. J Rheumatol. 2015 Feb;42(2):292-9. doi: 10.3899/jrheum.131430. Epub 2014 Dec 1. PMID: 25448792; PMCID: PMC4314360.

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